Quand un poète en son extase
Vous lit son ode ou son bouquet,
Quand un conteur traîne sa phrase,
Quand on écoute un perroquet,
Ne trouvant pas le mot pour rire,
On dort, on baille en son mouchoir,
On attend le moment de dire:
Jusqu’au plaisir de nous revoir.
Mais tête-à-tête avec sa belle,
Ou bien avec des gens d’esprit,
Le vrai bonheur se renouvelle,
On est content, l’on chante, on rit.
Prolongez vos paisibles veilles,
Et chantez vers la fin du soir
A vos amis, à vos bouteilles:
Jusqu’au plaisir de nous revoir.
Amis, la vie est un passage
Et tout s’écoule avec le temps,
L’amour aussi n’est qu’un volage,
Un oiseau de notre printemps;
Trop tôt il fuit, riant sous cape —
C’est pour toujours, adieu l’Espoir!
On ne dit pas dès qu’il s’échappe:
Jusqu’au plaisir de nous revoir.
Le temps s’enfuit triste et barbare
Et tôt ou tard on va là-haut.
Souvent — le cas n’est pas si rare —
Hasard nous sauve du tombeau.
Des maux s’éloignent les cohortes
Et le squelette horrible et noir
S’en va frappant à d’autres portes:
Jusqu’au plaisir de nous revoir.
Mais quoi? je sens que je me lasse
En lassant mes chers auditeurs,
Allons, je descends du Parnasse —
Il n’est pas fait pour les chanteurs,
Pour des couplets mon feu s’allume,
Sur un refrain j’ai du pouvoir,
C’est bien assez — adieu, ma plume!
Jusqu’au plaisir de nous revoir.
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